
Cher D
Cher connard
Toi le connard,
Je ne crois à ce que je suis en train de faire. Je suis en train de t’écrire une lettre, une lettre à toi, toi le connard. Toi le connard qui a osé lever la main sur une de mes meilleures amies. Toi le connard qui a osé lui balancer ton poing en plein visage.
Comment peut-on frapper une femme, comment peut-on frapper tout court ? La langue française n’est-elle pas assez riche de mots, de termes, de subtilités pour décrire ce que l’on ressent, le message que l’on veut faire passer ? Ah, mais toi le connard tu n’en es peut-être pas capable ? Toi le connard tu n’es peut-être pas doté d’un capital mot suffisamment important.
J’essaie de comprendre, bien que tu ne le mérites pas, à quel moment tu t’es dit que les gestes devaient remplacer les mots. Que s’est-il passé ? T’es-tu senti rabaissé, envahi par un sentiment d’impuissance ? Je crois que ta violence intérieure a débordé, tes mots ne suffisaient plus, il a fallu que tu prouves que c’était toi le plus fort. Le coup est parti pour la faire taire, c’est ça ?
Tu sais ce qui me fait le plus mal, ce qui me met le plus en colère ? C’est qu’elle est la personne avec le plus de caractère que je connaisse. Elle est cash, elle ne pratique pas la langue de bois, elle quand elle a quelque chose à dire elle le dit, parfois fort, parfois trop fort. Parfois en employant des mots sur le point de dépasser sa pensée mais toujours dans le respect de l’autre et toujours avec bon sens. Et là, je suis en colère parce que je l’ai entendue, elle, dans la salle d’attente des urgences me dire : » Non mais arrête de dire que je suis une femme battue, il m’a mis un pain c’est tout et puis je l’avais cherché peut-être, je t’assure que je suis allée loin. Je comprends qu’il se soit mis en colère. »
Je suis en colère après toi, parce que tu l’as éteinte, tu lui as ôté d’un seul coup (au premier sens du terme) toute sa force et sa solidité. Moi ce soir je ne comprends pas comment et pourquoi celui qu’on aime peut se transformer en bourreau.
En France 1 femme sur 10 est victime d’une forme d’agression (physique, psychologique, morale) au sein de son couple, tu te rends compte ??? Une femme sur dix !
Mais je dois te féliciter de quelque chose, toi le connard. A aucun moment tu ne t’es excusé, a aucun moment tu ne t’es senti coupable et honteux. Bravo… Au moins tu es resté fidèle à toi même : un VRAI connard. Bravo, tu as préservé l’image que tu as de toi, ton narcissisme est sauf, le regard que tu portes sur toi n’est pas amoché et tu ne te sens pas responsable de ce que tu lui as infligé.
Non, rien de cela, tu as juste utilisé un argument digne d’une enfant de 4 ans : “Elle a commencé la première…”. Puéril et infantile, c’est tout ce qui me vient à l’esprit…
Puéril et infantile avec tes 1m90 et tes 100kg. Bravo mec ! Tu dois être drôlement fier de toi.
Autre chose : merci. Vraiment, oui je te remercie, aucune ironie là-dessous.
Tu m’as donné l’occasion d’aborder un sujet délicat avec ma fille, pourquoi elle ? Pourquoi je te parle de ma fille de 12 ans ? C’est simple : ce soir c’est elle qui a ouvert la porte à mon amie. Ce soir c’est elle que j’ai vu revenir vers moi la première, le visage blême, ne comprenant pas ce qui se passait. Grâce à toi j’ai pu me poser face à elle et lui expliquer la situation. Lui faire promettre, lui faire jurer de ne jamais laisser qui que ce soit aller jusque là, lui ordonner de ne jamais accepter qu’on porte atteinte à son corps, à ses convictions, à ses envies.
Tu as osé frapper mon amie.
Tu as bouleversé ma fille.
Tu m’as littéralement retournée, fait passer par toutes les émotions possibles : de la tristesse à la colère en passant par l’incompréhension, la honte, le dégoût, la fureur et même la culpabilité de ne pas avoir été là ; ce soir j’ai été atterrée, sonnée mais pire que tout, je crois avoir eu envie de te frapper mais MOI j’ai su me raisonner.
Et elle ?
Ce soir j’ai dû la forcer à pleurer.
Ce soir je l’ai poussée à bout.
Ce soir j’ai dû appeler mon ami ophtalmo d’abord pour qu’il vérifie son œil et surtout pour qu’il l’engueule fort, pour qu’il lui dise qu’à quelques centimètres près elle perdait son œil pour qu’il lui dise, qu’à quelques centimètres près c’est elle y restait…
Ce soir j’ai essayé de la convaincre d’aller porter plainte… ce soir, je crois avoir échoué mais je peux te promettre que tu ne t’en sortiras pas comme ça, aussi facilement. Ça prendra du temps mais tu ne passeras pas au travers de ce que tu mérites, de ce que la loi te réserve.
Tu veux connaitre la suite de l’histoire ? Le scénario se résume à un seul mot : l’attente. Il lui reste à attendre, attendre que les larmes s’évaporent, que ses doigts se décrispent de sa tunique, que ses paumes se détendent, que les bleus de sa pommette s’estompent, que le sang qui se répand dans son œil finisse par disparaître. Mais je sais que maintenant elle aura peur. Peur dès que son téléphone sonnera, peur quand son interphone bipera.
De la même façon qu’elle est brune. Droitière. Qu’elle aime les choux à la vanille. Maintenant elle aura peur, voilà c’est identitaire. Oh c’est très réducteur, j’en ai bien conscience, mais elle ne sera plus jamais la même et ça c’est à cause de toi, connard.
Coralline
Cette lettre a été écrite il y a plusieurs mois déjà… mon amie n’a pas porté plainte.
« Le regard des autres…tu comprends Co, je ne peux plus regarder les gens en face. Tu as vu tout ce qu’on lit sur Alexia Daval ?? Les médias qui osent répéter qu’elle l’a bien cherché cette conne, que c’est elle qui l’a poussé à bout. Et Marie Trintignant ?? Cantat qui va remonter sur scène et se faire applaudir ! Merde, quel autre assassin, un jour dans le monde, a fait déplacer des foules qui ont ouvert leur porte-feuille pour avoir le droit de l’applaudir, quel autre assassin a eu sa tronche en une des Inrocks ?? »
C’est vrai… est ce que ces gens se sont posé la question du mal qu’ils faisaient à la famille et aux amis de Marie en choisissant une telle couverture? Est ce que Cantat s’est posé la même question ?
La couverture dégoûte, l’article est vomitif. Je ne vais pas vous faire l’affront, faire l’affront aux victimes de vous insérer une capture du magazine mais juste ça :
Le chanteur dit avoir été « dépossédé de (son) histoire » par les médias: « J’ai su très vite que je ne pourrais pas m’expliquer. Mes remords, ma souffrance, ma sensibilité, ça ne marchait pas dans cette histoire. Il ne fallait que du sordide, tout ce qui était beau a été occulté. Je suis devenu cet assassin qui tue sciemment ». Il ne « fallait » pas du sordide : C’EST SORDIDE !
Quand je lis, dans les commentaires ici et là, que cet homme a payé sa dette… putain 2 ans de prison !!!!
Quand je lis que chacun a droit à la médiatisation, oui… j’attends avec impatience la Une des Inrocks avec une photo de femme avec le visage couleur du ciel et un bon reportage.
Ah mais merde, c’est moins vendeur et les médias qui nous annoncent qu’Alexia avait une personnalité écrasante, et que c’est pour ça que son mari l’aurait assassinée, ont bien saisi la perche. Merde, il y aura toujours une excuse (pourrie). Stop, ce n’est pas passionnel, ce n’est pas une dispute, ce n’est pas un drame passionnel, c’est un assassinat …
Rien d’autre.
J’ai dû me tromper de planète… mais pas de combat.