Il y a des gens vraiment bien dans l’enseignement, j’en ai croisé pas mal. J’ai hélas
eu aussi à faire à la médiocrité de certains, il m’arrive de sortir de réunion avec des collègues d’autres écoles et d’avoir honte. Profondément honte de ce qui a été dit. Certains diront qu’il y a des branleurs et des cons dans tous les jobs… oui peut-être …mais à cette image que ces enseignants-là véhiculent s’ajoute une image dégradée de l’Ecole avec toutes ses facettes.
Le métier d’enseignant ne fait plus rêver. Les personnes qui pouvaient être attirées par la profession sont freinées par ce qu’elles entendent sur la violence scolaire, les faibles perspectives de carrière, le stress… Les « gros plans » faits sur ces problèmes, dans la presse et sur Internet, ont rendu le métier moins attractif. Dehors l’image de l’enseignant respecté autant que le maire et le curé au milieu du 20e siècle. Finie l’image de l’enseignant détenteur des savoirs
Parfois je me demande s’il y a encore de la place pour moi sur ce navire. Et puis d’ailleurs, j’ai tendance à croire que ce navire est bien mal en point, il prend l’eau… Est-ce que je suis prête à contribuer à ça ou est-ce que je vais avoir assez d’énergie pour continuer à lutter pour ces valeurs qui sont les miennes ? Mon inspecteur nous a conseillé à ma collègue et à moi d’arrêter de vouloir jouer au superhéros et de nous ménager…pour lui on ne tiendra pas encore 35 ans à ce rythme. J’ai pesté, je me suis sentie dévalorisée, j’ai senti mon travail, mon implication comme incompris…
En même temps, je me demande si « notre » travail est reconnu à la valeur de l’énergie que nous y consacrons.
Les enseignants, malgré la lourdeur de leurs tâches, sont souvent déconsidérés et discrédités dans nos sociétés : cibles de toutes les haines, ils concentrent sur eux la rancoeur des élèves, des parents.
Evidemment, ils ont pour fonction d’évaluer des enfants ou des adolescents : rôle ingrat, difficile…. La crise accentue sans doute le phénomène : les parents se focalisent sur les notes, sur une réussite indispensable, oubliant tout le travail accompli par les enseignants.
L’échec des élèves est souvent imputé à l’enseignant comme si les professeurs disposaient d’une baguette magique pour faire réussir tous les élèves.
Mais il faut imaginer toutes les responsabilités que génère la gestion de classes chargées parfois jusqu’à 30 élèves ! Il faut veiller à ce qu’ils soient attentifs et concentrés, il faut ménager une progression dans la difficulté des exercices proposés, il faut préparer, revoir les cours, il faut donner des conseils personnalisés, il faut tenir compte des difficultés rencontrées par chaque élève. Il faut…ou plutôt il faudrait, certains ne se formalisent pas avec ça, certains avancent, essaimant les plus faibles, les plus en difficultés en cours d’année.
Tous les métiers sont difficiles mais peu de métiers connaissent autant de rejet de la part du public : on considère souvent les enseignants comme des privilégiés : vacances, nombre d’heures de présence en classe mais on oublie tout le reste : le stress lié à cette fonction, la fatigue, le temps passé au service des élèves…
Un choix vous avez dit ? Oui probablement, mais qui d’autre exerce un métier aussi dévalorisé que le nôtre ? Seulement 5% des enseignants français se sentent valorisés. 5% !! Vous imaginez ? C’est le taux le plus faible de très loin (moyenne 31%) des pays de l’Ocde.
Et puisqu’on est dans les stats, continuons : 84% des enseignants sont satisfaits du travail qu’ils accomplissent et 62% s’y épanouissent. Le métier reste un « beau métier ». Mais la pression sociale pèse sur les professeurs : 84% considèrent que l’opinion publique ne comprend pas leur travail et la moitié se sentent incompris par leur entourage.
Je crois qu’on mérite plus de considération, d’attention… Il serait temps de reconnaître le rôle essentiel que jouent les enseignants : transmission de savoirs, développement de l’esprit critique, conseils personnalisés, écoute des élèves…
Il serait temps de comprendre que les enseignants ne peuvent prendre sur leurs épaules tout le poids des difficultés rencontrées par les élèves dans la société dans laquelle ils essaient de grandir…
Les enseignants français ne sont pas responsables des inégalités sociales de réussite scolaire, qui sont particulièrement grandes en France. Ils ne sont pas responsables de l’échec scolaire. C’est le système éducatif qui les génère. Les pays qui ont une bonne valorisation du métier d’enseignant sont ceux qui ont de bonnes performances dans Pisa. Il faut lier les deux.
Vous allez dire que je défends mon bifteck … Oui peut-être… Mais si vous saviez les énormités que j’entends au quotidien sur mon job et ce à tous les coins de rue . Sous prétexte que les gens ont « pratiqué » l’école ils détiennent toutes les vérités, les solutions. La dernière tout à l’heure à la boulangerie : « ahhhhh ces enseignants toujours malades, toujours absents !».

Ben oui les gars c’est le boulot qui nous rend malade, car on baigne dans un nid à microbes ! Quand j’en vois certains qui font venir leur doc à domicile pour une rhino juste parce qu’ils ne veulent pas chopper d’autres maladies dans la salle d’attente, j’ai envie de les enfermer 6h par jour dans une classe. Une jolie classe parmi 25 paires de mains pas toujours très bien lavées après un passage aux toilettes, 25 nez plus ou moins coulants (parfois à moucher), 25 bouches toussant et éternuant…
Oui, l’enseignant devrait avoir honte d’être malade! Je trouve ça inadmissible de laisser le corps dominer l’esprit de la sorte.
C’est comme tous ces gens qui meurent comme des cons alors qu’il suffit d’être fort mentalement pour vivre des milliers d’années.
Personnellement, je démarre mon troisième millénaire.