
Je ne sais pas vous, mais moi j’ai la sensation d’être dotée de plusieurs modes. Comme un petit curseur quelque part sur mon corps qui décide pendant la nuit de quoi sera faite la journée qui arrive. Ce truc qui fait qu’en ouvrant un oeil le matin on sait avec quel mode vont se jouer les heures suivantes.
Le mode démarrage sans échec

Un classique, ordinaire, basique. Celui où je sais comment je vais me saper en après ma douche, que les fringues en question me vont et qu’elles correspondent à la météo. Celui où je ne fais pas de découverte horriiiiible en me regardant dans le miroir. Celui où je fais en sorte d’être la meilleure mère du monde jusqu’au moment où je dépose mes enfants à l’école. Celui où je prouve à la hiérarchie que je mérite « mes compétences affirmées » (mes collègues EN comprendront, pour les autres c’est l’équivalent du « très bien, bravo, continue ! » que vous pouvez trouver dans le cahier du jour de vos enfants).
Le mode grrr

Egalement appelé « mode warrior », celui où je me sens prête à conquérir le monde, où je me sens la meilleure, la plus belle, la plus intéressante, où je déborde de charisme et de sexappeal bref : la mieux. Celui où mes élèves se souviennent de la notion abordée la veille, où ils me disent « t’es trop belle ». Celui où la voisine me dit bonjour (avec un sourire), celui où le serveur du resto où on va 2 fois par semaine nous offre dessert et digestif.
Le mode hyène

Celui des jours où, sans raison particulière, je me lève de mauvaise humeur, où tout m’agace, tout m’énerve, tout m’insupporte et où évidemment tout arrive : le tube de dentifrice qui tombe et sur lequel on marche, le fermoir de la boucle d’oreille qui tombe dans le lavabo, les clés de voiture qu’on cherche encore et encore alors qu’elles sont à leur place dans la petite poche du sac, la maison qu’on rouvre et referme 4 fois parce qu’on a toujours oublié un truc à l’intérieur, le sac de bibliothèque de minus oublié, le cahier du jour qu’on signe en catastrophe dans la voiture, les gens qui traverse n’importe comment, le bip du portail du boulot qui disparaît entre les sièges de la voiture alors que vous êtes garée pile devant le fameux portail et que (évidemment) vous bloquez la circulation de tout l’impasse, la voisine qui ne vous dit pas bonjour ou les éducs qui déposent les élèvent avec 25mn de retard alors qu’une sortie est prévue et a été annoncée depuis des jours. Ces jours-là on ne m’approche pas, même mes élèves comprennent au 1er regard, qu’aujourd’hui il ne vaut mieux pas me chercher.
Et le fameux mode ours
Mais pas n’importe quel ours, l’ours en hibernation. Celui qui ne veut voir personne. Celui qui n’a pas envie qu’on lui parle. Bref ce mode, un peu « déprime » où on a juste envie de se mettre en boule dans un coin et surtout où on ne veut parler à PERSONNE.
Dans ces moments, je n’ai pas envie qu’on m’appelle, qu’on me cherche, qu’on me force à sortir.

Parfois c’est juste comme ça, une sorte d’overdose de socialisation, un moment de sa vie où on a juste envie de dire « coupez ! », ce moment de sa vie où on voudrait faire un arrêt sur image de tout ce qui nous entoure et continuer à évoluer dans ce monde statique où personne ne nous parle, personne ne nous touche, personne ne nous agresse, personne ne nous bouscule.
Parfois c’est vraiment parce que ça ne va pas et alors je n’ai pas envie qu’on me plaigne, je n’ai pas envie de parler de ce qui ne va pas, je n’ai pas envie de détailler… Et pire je n’ai vraiment pas envie d’entendre les autres parler de leurs problèmes ou de leurs petits voire énormes soucis. Et non, non je n’ai pas envie de communiquer, au mieux je passe en mode ours-robot : j’utilise des phrases comme préprogrammées, tout le temps les mêmes mots, tout le temps les mêmes phrases avec la même forme de politesse, et oui, je suis polie malgré tout. Ce sont des moments où je rêverai d’être muette de ne pas avoir à justifier le fait que je n’ai pas envie de parler (dites-moi que ça vous a déjà caressé l’esprit, mais si, cherchez… Chez le coiffeur, par exemple ?!).
Dans ces moments je suis juste persuadée que c’est moi la plus malheureuse ! Et là je n’ai vraiment, mais alors vraiment pas envie d’avoir de la sympathie, de la compassion et encore moins de l’empathie pour mes collègues, mes potes et même mes meilleurs Amis. C’est égoïste n’est-ce pas ? Oui, dans ces cas-là je déborde d’égoïsme, je deviens totalement égocentrique même et pour éviter d’étaler au grand jour ce défaut horrible, affreux, insupportable et bien je préfère hiberner. Cet aspect du mode « ours en hibernation » est difficile… enfin, il est difficile surtout pour les autres. Ils ont du mal à comprendre, parfois culpabilisent, cherchent ce qu’ils auraient pu dire ou faire. Oh les gars, ne cherchez plus ! C’est juste moi, moi qui me complaîs dans mon « moi ».
Bon… Parfois, quand je suis encore en phase « sortable » j’utilise mon arme favorite : la dérision et même l’auto dérision. Vous vous souvenez de cette scène de Coup de Foudre à Notting Hill où Hugh Grant est attablé avec ses potes, Julia, son beau frère et sa sœur en fauteuil. Cette scène où ils font le concours du plus malheureux ? Souvent en soirée pour détendre l’atmosphère quand tout le monde fait l’étalage de ses soucis, je la rejoue et j’a-do-re ! Merde, c’est moi la plus malheureuse j’vous dis, n’essayez pas, c’est MOI !! Je dédramatise beaucoup « ouaiiiis ok je vois le truc : tu essaies de me faire croire que c’est toi la plus malheureuse ?? Râté ! C’est toujours moi je te dis ! ».
Aparté psy
Je crois que certaines personnes se complaisent dans le regard des autres, elles ont généralement beaucoup de connaissances, d’amis, sortent beaucoup et souvent. D’autres ont un besoin de partage, ce sont des amis, des vrais, des amis précieux qui trouvent la place que vous voulez leur donner selon le moment… Et d’autres n’ont pas besoin que d’eux-mêmes pour se sentir bien.
Mais attention ! Faire l’ours ne signifie pas arrêter de faire des choses. Être seule et indépendante, c’est très bien dès l’instant où on ne se coupe pas du monde. Le risque, c’est de finir par s’oublier… Ces moments où je choisis de couper avec les autres m’aident à me recentrer, à me remplir, pour mieux revenir vers les autres ! Sans un peu de recentrage on finit par ne plus savoir qui on est mais il faut trouver le juste milieu pour ne pas finir ermite, dès l’instant où on conserve des relations sociales, un peu de lien et même des rires c’est plutôt sain d’apprécier sa propre compagnie !