Au pays des chercheurs d’or, je ne pouvais pas faire sauter la ville de Banff de mon programme. Le parc national du même nom, l’un des premiers avec cette appellation au Canada, est une vraie pépite niveau paysages, faune et flore. Ça aurait été bête de faire l’économie d’un arrêt ici.

Cette ville est organisée autour d’une rue principale où s’alignent à la queue leuleu les lodges et autre resorts où s’entassent les amateurs de glisse. En remontant Main Street, ils laissent petit à petit leur place aux restaurants, magasins de sports de plein air et de souvenirs. Cette rue est juste dans l’axe de la Cascade Mountain qui domine donc la ville majestueusement du haut de ses 3000 mètres. Le décor rappelle un peu le film le Pic de Dante mais heureusement cette montagne n’est pas volcanique. Et pourtant, il y a de l’activité dans le sous-sol de Banff. On y a découvert des sources d’eau sulfureuse. Cet endroit protégé est considéré comme le berceau du réseau des parcs nationaux du Canada.  On peut visiter les anciennes installations des bains mais pour vous baigner vous devez prendre un peu d’altitude pour aller aux Upper Hot Springs ouvertes elles au public. Ce sont les plus hautes du Canada à 1585 mètres.

Et ça tombe très bien puisque, quand je voyage, je suis comme un poisson dans l’eau, mais ce que j’aime encore plus ce sont les bains chauds. Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend les bienfaits des sources thermales. D’ailleurs, à Yudanaka dans les alpes japonaises, une colonie de macaques colonise une source d’eau chaude (Onsen en japonais) où ils viennent se réchauffer et lézarder sous les flocons de neige. Les humains sont alors relégués à de simples observateurs à condition de ne pas les regarder dans les yeux au risque de devenir un empêcheur de nager en rond. Les jeunes singes sont moins farouches et sont toujours prêts à jouer avec les appareils photos des touristes.

Pas de singes au Canada, ici le roi de la forêt c’est l’Ours et lui non plus, vaut mieux pas le regarder dans les yeux si on se retrouve face à lui. Le problème c’est que dans les règles de sécurité il est écrit « surveillez les signes d’agressivité » dont « il vous fixe du regard ». Expliquez-moi comment on fait pour ne pas le regarder dans les yeux tout en s’assurant qu’il ne nous fixe pas…bref mieux vaut ne pas croiser ni lui ni son regard !

Depuis que je suis au Canada, je vois partout des poubelles prévu pour résister à l’odorat et à l’appétit des ours. Dès que vous approchez d’une forêt, on vous signale qu’on partage ce territoire avec la faune dont l’ours et il y a toujours une petite affichette vous rappelant que faire en cas de rencontre fortuite. Mais depuis une semaine, je n’ai aperçu de mon bus qu’un Caribou brouter l’herbe à la tombée de la nuit. Je vais donc aller tester les sources thermales de Banff histoire de voir si des Ours s’y baignent.

Je paie mes un peu plus de 7 dollars canadiens pour l’entrée, me change et mets en sécurité mes effets personnels pour 1 dollar (cher payé pour un casier qui a peu de chance de résister en cas d’attaque d’ours), passe sous la douche et m’approche de l’entrée des sources qui sont donc en plein air. Autant dire qu’avec une température extérieure légèrement inférieure à zéro, on n’hésite pas longtemps à rentrer dans l’eau à 38 degrés!

A peine j’avais pénétré dans le bassin que je l’ai vu. Il était là, le poil brillant, la truffe humide, son ventre rebondit flottant à la surface du bain au milieu des vapeurs. Ce n’est pas Baloo dans le livre de la jungle et je ne suis pas Moogly. Je décide donc de l’approcher prudemment sans le regarder dans les yeux comme les règles d’usage le recommandent. Il ne bronche pas pour le moment. Communiquer va être difficile. Et puis petit à petit j’entends de léger grognements à intervalles réguliers qui s’amplifient au fur et à mesure.

Le gros nounours qui s’accorde une petite sieste dans la chaleur des Hots Springs c’est Justin, qui mange comme quatre et compte pour deux, un bûcheron propriétaire d’une cabane à sucre au Québec. Et a priori de la bûche il en a abusé à Noël, avec le temps ça s’est transformé en brioche. L’avantage c’est qu’avec la bouée qu’il a il ne risque rien dans l’espace bains. A défaut de bouée, j’ai de la buée sur mes lunettes et je ne vois pas grand chose. Il me donne rendez vous dans une semaine à Montréal. On verra si je prends le risque de partager un pot de miel avec lui ou plutôt un peu de sirop d’érable. En attendant ça fait déjà 15minutes que je suis là à bouillir et il est recommandé de ne rester qu’une dizaine de minutes.. Et puis surtout j’ai une autre ville à visiter dans les environs. J’en veux toujours plus, je vais donc aller à Canmore à une vingtaine de kilomètres de Banff.

Canmore a la particularité d’avoir accueilli les épreuves de ski nordiques durant les JO de Calgary en 88. C’est devenu depuis le centre d’entraînements des équipes de ski de fond et de biathlon. en grand fan de Marin Fourcade, je me devais d’aller en pèlerinage là bas. Je me suis lancé dans un petit trek pour rejoindre le plateau où est situé le stade. Je me suis donc retrouvé tout seul dans la forêt ce qui a priori est plutôt agréable en temps normal mais à force de lire des avertissements, on a tendance à sur-réagir au moindre bruit. D’ailleurs je ne respecte pas la règle numéro 1, ne jamais partir seul et toujours être en groupe. Bon là je me dis que c’est court et pas loin de la ville, ça devrait aller. Et effectivement pas d’attaques d’ours à signaler. Par contre en arrivant au centre nordique de Canmore et après avoir visité le mini musée olympique qui se résume à quelques vitrines, je me suis aperçu que dans le coin, hormis les ours, il fallait surtout se méfier des Couguars qui sont imprévisibles…J’ai repensé à la petite grand mère que j’ai croisé sur le chemin en arrivant, elle aurait pu me sauter dessus sans prévenir, et moi qui n’avait même pas mon spray au poivre pour me défendre…Les femmes plus âgées n’étant pas ma tassé de thé, je ne me suis donc pas attardé dans le coin. Autant, à tort, j’ai l’impression que je pourrais échapper à un ours à la course. Bon et puis j’étais fan de Bouba le petit ourson quand j’étais plus jeune, ça ferait un sujet de conversation pour distraire l’éventuel boule de poil qui me voudrait du mal. Mais face au couguar… . Autant dire que je serai certain de me faire croquer tout cru et de finir dans un lit…d’hôpital au meilleur des cas! Pour l’anecdote, la montagne symbole de Canmore n’est pas une montagne mais ce sont 3 pics appelés les 3 sœurs. L’histoire ne dit pas si elles aimaient ou non les hommes beaucoup plus jeunes…Mais elles sont tellement belles ces montagnes que je suis sûr qu’elles pourraient plaire à Mont Age…

C’est avec grands regrets que j’ai repris le bus pour Calgary ce matin et quitté cette magnifique région. A défaut d’un ours ou d’un couguar, j’ai aperçu un loup dans une plaine ce qui n’est pas mal non plus, enfin quand on est dans un bus…