
Quand je prends le train et que je n’ai pas avec moi un livre en cours, je traîne toujours du côté du marchand de journaux pour regarder les unes des magazines de voyage. Et en ce jour de novembre 2011, je tombe sur la couverture du magazine GEO : « Île de Pâques Le rêve ultime des voyageurs ».
J’aime voyager, cet endroit est donc a priori le saint graal pour moi. Je dévore l’article le temps du trajet et dès que j’ai un ordinateur sous les mains, je me mets à étudier la faisabilité d’un tel voyage. Après une semaine de réflexion, la décision est prise, dans 5 mois je réaliserai le rêve de tous les voyageurs, rêve qui est donc aussi devenu le mien.
Avril 2012, me voici dans l’avion depuis Santiago du Chili direction l’île de Pâques ou Rapa nui en langue locale. Une petite demi-heure après le décollage on se trouve déjà au-dessus de l’océan pacifique et on ne le quitte plus pendant les 5h de vol. Lorsque l’on entame la descente, toujours l’océan à perte de vue sans l’ombre d’un bout de terre où se poser…Et puis soudain après avoir traversé quelques nuages, elle surgit, la fameuse île en forme de croissant ou plutôt d’empanadas pour faire plus couleur locale.
L’île est tellement petite que l’avion, en se mettant dans l’axe de l’unique piste de l’aéroport, la survole en totalité. Cet aéroport qui est un aéroport international, ne voit atterrir et décoller pas plus de deux vols par jour. Il est situé tout proche de la seule et unique agglomération de l’île, Hanga Roa, qui compte environ 4000 habitants et peu de bâtiments dépassant les deux étages !
Île de Pâques : jour 1
L’avion stoppe sur le tarmac juste à côté de l’aérogare qui n’est en fait qu’un grand hangar. Juste devant attend un groupe folklorique qui se met à danser sur des airs de musiques du pacifique. Certains passagers reçoivent des colliers de fleurs, Tahiti n’est pas loin et est d’ailleurs le second point de départ pour venir visiter l’île de Pâques. C’est d’ailleurs la particularité de cette île qui a reçu les influences des peuples du pacifique et des civilisations pré colombiennes bien que toute l’histoire de l’île de Pâques reste rempli de mystère et d’interrogations. Depuis 2012 une troisième liaison s’est ouverte et vous pouvez aussi rejoindre Rapa Nui depuis Lima au Pérou.
Le tourisme est la principale ressource de l’île et à la sortie de l’aéroport j’assiste à un ballet de petits vans venant chercher les touristes pour les emmener vers leurs hôtels. Avec ma chance légendaire, le mien m’a oublié donc c’est à pied que je rejoins la petite ville d’Hanga Roa à 20 minutes de marche. Rien de bien grave donc si ce n’est que toutes les routes ne sont pas goudronnées et les roulettes de la valise n’apprécient pas trop les chemins de terre.
Quand j’arrive à l‘hôtel, le gérant somnole dans son local et il est tout étonné que je sois venu à pied. En même temps j’ai envie de lui répondre qu’il n’est pas venu me chercher comme prévu mais après avoir récupéré mes clés je préfère prendre des infos sur l’île et notamment savoir s’il est possible d’en faire le tour à deux roues. Il me répond oui mais en scooter ou à 4 roues ou à 4 pattes (sur un cheval bien sûr…) mais en vélo, il est sceptique !
Le confort de la chambre est spartiate et le wifi quasi inexistant. Je découvrirai d’ailleurs les résultats du premier tour de l’élection présidentielle seulement 3 jours plus tard dans un cyber-café (mais ce n’était pas plus mal d’être éloigné de toute cette actualité).
Je finis ma première demi-journée sur l’île en dégustant un poisson à la terrasse d’un restaurant au bord du pacifique en admirant le coucher de soleil, il y a pire….
L’aventure de Pâques (sans lapins)
Ce matin-là, malgré le sourire ironique de mon hôte la veille quand je lui avais parlé de mon projet de faire le tour de l’île de Pâques à vélo, je me suis quand même décidé à louer une monture (non pas équestre malgré le grand nombre de chevaux sur l’île) pour tenter l’aventure. J’ai pris un forfait 3 jours histoire de ne pas me mettre trop la pression et me laisser une chance si je n’arrivais pas au bout de mon projet du premier coup. Avec ma carte des principaux points d’intérêts de l’île, je pars donc cheveux aux vents (enfin pour le peu qu’il me reste) découvrir Rapa Nui.
La première route est goudronnée, à l’abri du vent et il n’est que 9h, le soleil déjà levé réchauffe doucement l’atmosphère. Pour atteindre les premiers Moais (les fameuses statues de l’île sur lesquels les scientifiques ont plein de théories mais aucunes certitudes ne serait-ce que sur la technique pour les transporter sur leurs plate formes.), le périple se complique un peu, le dénivelé augmente et la route se transforme en un chemin caillouteux et poussiéreux. Mais surtout sans l’indication d’un chauffeur de mini bus je n’aurais jamais trouvé le bon chemin, au milieu de 3, qui mène à la plateforme des premières statues de mon périple. Celles-ci sont par terre comme la grande majorité sur l’île. Seuls quelques sites ont été restaurés et les statues redressées avec leur chapeau de pierre. En repartant je croise quelques 4×4 qui comme moi cherche le fameux site.
Je reprends le court de ma balade en tournant sur la droite vers la côte est de l’île. Une longue descente me conduit au bord de l’océan en croisant de nombreux chevaux en liberté mais aussi cette jeune grand-mère japonaise sur sa bicyclette n’avançant pas plus vite qu’un escargot. En moi-même je me dis qu’elle n’est pas partie pour faire le tour de l’île elle…

Je la croise tout de même en repartant du second site de Moäis que je visite ce jour. Je la vois alors marcher avec sa canne et je suis d’autant plus admiratif de son courage quand les 2 tiers des touristes optent pour la location d’un 4×4, un tiers pour des scooters et 1% pour le vélo…
Bien sûr je ne la recroiserai pas de la matinée avançant à un rythme soutenu ne sachant pas trop combien de temps me prendra le tour de l’ile et ses presque 30 kms. Par contre je recroiserai à chacune de mes étapes un couple de français en provenance de Tahiti. On parlera entre autre de cette dame japonaise, eux aussi l’ayant croisé sur son vélo et ayant hésité à lui proposer de monter dans leur 4×4 tellement ils avaient de la peine de la voir peiner.
Arrivé à une des extrémités de l’île triangulaire, le soleil était lui arrivé à son zénith et la température était devenue caniculaire sans point d’ombre à l’horizon (il reste très peu d’arbres sur l’île, une des théories étant qu’ils ont été
utilisés pour transporter les statues). Mieux vaut d’ailleurs ne pas oublier sa réserve d’eau, excepté la seule petite ville de l’île, il n’y a pas d’autres endroits où se ravitailler. Mes amis français, arrivés un jour plus tôt que moi, me disent alors que la veille, ils ont été victimes d’insolation tellement le soleil est mordant au milieu du pacifique. Je commence d’ailleurs à en souffrir et donc, après avoir visité la nurserie des Moais (Les corps étaient taillés sur les flancs d’un volcan alors que les chapeaux l’étaient à un autre endroit de l’île) et le fameux site de Tongariki (le plus célèbre de l’île avec sa douzaine de Moais alignés et debout grâce à des dons japonais) je me décide à remettre à plus tard mon tour de l’île et à revenir sur mes pas.
Le retour est plus facile puisque j’ai le vent dans le dos. Et qui je vois non loin du second site visité ce matin ? Cette petite japonaise et son rythme de sénateur elle aussi sur le chemin du retour. Je ne sais pas jusqu’où elle a été mais je ne m’attendais pas à la recroiser plus de 4h après, je l’imaginais plus en train de faire la sieste pour récupérer.
Je la dépasse pour la seconde fois de la journée et me lance dans l’ascension de la longue descente du matin qui s’est évidemment transformée en grande montée. Après plus de 20km avalés sur des routes défoncées et le vent de face, elle fait mal aux jambes ! Presque rendu en haut, un tronc d’arbre couché, à l’ombre d’un arbre lui encore debout, me tend les bras pour un repos bien mérité ! Je reste quelques minutes à boire et à me reposer et je me décide enfin à repartir quand la natif du pays du soleil levant arrive tranquillement sur son fidèle destrier. Apercevant le tronc d’arbre, elle décide elle aussi de faire une pause. Elle ne parle pas ma langue, je ne parle pas la sienne mais d’un sourire et de quelques gestes, on se comprend parfaitement tels 2 compagnons de galère et c’est bien volontiers que je lui laisse ma place sur le tronc d’arbre en remontant sur mon vélo !
Les derniers kilomètres jusqu’à Hanga Roa se font plus tranquillement et c’est le sentiment du devoir à moitié accompli (la moitié du tour de l’île effectué) que je rejoins mon hôtel. Après une bonne douche pour faire disparaitre toute la poussière et la fatigue accumulée, je me décide à aller faire quelques courses à la superette du coin.
Je prends mes boissons dans les différents frigos quand j’entends une voix (anglaise) qui me demandent où sont les bières…ma japonaise !! Quelle santé, ce serait donc la bière qui conserve aussi bien ?! Je lui indique alors le bon frigo qui se trouvait être en fait juste devant elle, elle en sourit et ce sera la dernière fois que je croiserais ce sacré personnage sur cette minuscule île de Pâques !
J’ai finalement achevé mon tour de l’île 2 jours plus tard à l’eau claire et sans bière mais le tenant de mon hôtel aura bien du mal à le croire malgré les photos pour le prouver!!
Pâques et jolies choses
Entre temps j’ai pu admiré le ballet des tortues géantes dans le port au retour des pêcheurs, visité une dizaine de sites archéologiques, vu des dizaines de Moais couchés et quelques-uns debout, découvert des pétroglyphes sur des rochers grâce au flair d’un américain, je suis descendu dans une grotte de lave s’ouvrant sur l’océan, j’ai slalomé entre les chevaux sauvages, été suivi par plusieurs chiens errants dont un petit chiot adorable qu’il m’a été bien difficile de semer, je me suis retrouvé seul entouré de chevaux sur la seule plage de sable de l’île (Anakena et suivi là encore par un chien), j’ai aussi vu l’idiotie de touristes se prenant en photo sur les plates formes des Moais alors qu’elles sont sacrés comme écrit un peu partout dans les guides, j’ai gravi 3 volcans, récupéré des kilos de terre ocre sur mes vêtements et mes jambes chaque jour, fait de chouettes rencontres et surtout adoré ce voyage et cet endroit fascinant et magique à plus de 2000km de la première île et à plus de 4000km du continent.
En conclusion, je n’avais jamais rêvé particulièrement de l’île de Pâques avant de me décider à y aller mais depuis je rêve d’y retourner !