
Il y a deux sports qui symbolisent parfaitement les Etats Unis et qui, il y a encore quelques décennies n’étaient pratiqués que là-bas. Mais comme les américains sont doués pour exporter leur culture (dernier exemple en date, le Black Friday et ses soldes monstres le lendemain de Thanksgiving qui reste-t-elle encore américano américaine), ils se pratiquent maintenant à peu près partout à des niveaux de développement très disparates. Je veux bien entendu parler du Baseball et du Football Américain.
Et comme les choses sont bien faites quand la saison de l’un commence, celle de l’autre se termine. Le Baseball a donc laissé la place au Football Américain il y a maintenant 2 mois et ce pour une saison assez courte avec seulement 16 matchs pour chaque équipes et un tournoi final pour les meilleures équipes (playoffs) menant jusqu’au fameux Superbowl, match qui est maintenant retransmis à travers le monde. Hormis l’aspect sportif, il est surtout célèbre pour ses publicités diffusées lors des pauses tournées exprès pour l’événement et qui font souvent le buzz ensuite. Qui ne se souvient pas du fameux « What’s up ? Wazaaaa » pour une marque de bière.
Bref le football est une religion de l’autre côté de l’atlantique. D’ailleurs le jour des rencontres est le dimanche et la façon de les savourer est une messe avec une cérémonie au scénario immuable. Barbecue en famille et entre amis avant le match, maillot sur le dos et bière dans une main. Pour les heureux possesseurs d’un billet pour le match, tout cela se passe sur le parking près du stade où on dresse sur les pickups des mats avec les drapeaux aux couleurs de son équipe. Les matchs se faisant rares (seulement 8 par an quand ce n’est pas moins puisque certains matchs sont exportés dans d’autres pays pour satisfaire les fans du monde entier), quand ils ont lieu, c’est toute une ville qui vit au rythme de son équipe même si cela passe plus inaperçu dans de grandes villes comme New York ou Chicago.
Mais si on prend l’exemple d’une ville de taille moyenne comme Denver dans le Colorado au milieu des rocheuses, toute la ville est tournée vers l’événement dominical dès le milieu de la semaine. Les hôtels sont pris d’assaut par les supporters de l’équipe adverse qui n’hésitent pas à faire quelques heures d’avions pour suivre leur équipe préférée et qui affichent fièrement leurs couleurs à la porte de leurs chambres. Et dès le dimanche matin, vous ne croisez plus dans la rue que des supporters avec le maillot de l’équipe locale ou adverse. Et plus l’heure du coup d’envoi approche, plus les terrasses des bars se remplissent pendant qu’une foule multicolore se dirige vers le stade dans une ambiance bonne enfant peu importe quelle équipe on supporte.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en plus d’être un symbole de la culture américaine, la population que vous croisez dans le stade est représentative de l’ensemble de la société américaine excepté évidemment les homeless qui eux se contentent de faire la manche à la sortie du stade. Ma première expérience dans un stade de football américain a été une expérience sociologique assez intéressante de ce point de vue-là. Je n’ai finalement pas beaucoup vu le match (mais de toute façon la culture sportive aux USA est plutôt la culture de la consommation de hotdog et de bière que celle de ne pas rater une seconde de ce qui se passe sur le terrain. Je m’en vais donc vous raconter cette expérience qui s’est déroulée durant un voyage du côté de Boston….
Finir l’automne à Boston pour découvrir le berceau des états unis où a été déclaré l’indépendance. Les villes américaines sont rarement chargées d’histoire mais celle là plutôt et du coup on retrouve des bâtiments anciens coincés au milieu de buildings modernes le tout avec une ligne rouge au sol (freedom trail) qui relie tous les hauts lieux historiques de la ville. Boston est une ville très agréable qui mérite le détour ! Et j’ai donc aussi assisté à mon premier match de football américain (New England Patriots – New York Nets).
L’équipe de football américain de Boston a la particularité de représenter tout l’état. Conséquence, le stade se retrouve en plein milieu de la Nouvelle Nngleterre (l’état en question) c’est-à-dire au milieu de nulle part…ou en tout cas assez loin de toutes les gares environnantes. Résultat, un train est spécialement affrété depuis le centre de Boston qui se remplit, au fur et à mesure, de fans habillés aux couleurs de l’équipe. Il y aussi quelques New-Yorkais, mais ça ne pose aucun problème particulier de cohabitation.
La fin du trajet se passe au ralentit au milieu des bois sur une voie ferrée uniquement utilisée les jours de match. Un autre train arrive en face qui lui aussi a fait le plein de supporters mais en « ramassant » de l’autre côté de l’état. Les deux trains se font face et déversent des flots de supporters qui convergent vers un magnifique stade, le Gillette stadium qu’on n’imaginerait pas se trouver là au milieu des bois. Le nom est assez amusant quand on pense à quel point le trajet est rasoir pour arriver jusque-là… Problème, les deux trains forment une frontière artificielle pour les autres supporters arrivant des environs, problème vite résolut en ouvrant les portes du train de chaque côté ce qui permet à ces supporters de monter d’un côté et de redescendre de l’autre.

L’arrivée au stade est donc plutôt folklorique et un autre folklore a lieu sur le parking où de nombreux petits groupes sont formés à l’arrière de pick up ou de camionnettes où des tables et des sièges ont été installés pour le traditionnel barbecue entre amis ou en famille le tout arrosé de nombreuses bières dont les cadavres jonchent le seul.
Je suis placé tout en haut du stade. Plutôt que des escaliers, d’énormes rampes mènent les milliers de spectateurs au 3ème niveau.
Je m’installe et là le match NE – NY commence vraiment.

A ma droite accusant déjà au moins 3 ou 4 bières, Jay et son père Ed, ou, prononcez Di, ça le fait beaucoup rire son prénom en verlan, allez savoir pourquoi, il a cru que je n’avais pas compris sa blague, malheureusement si, mais ce n’était juste pas spécialement drôle, enfin son honneur est sauf, il a juste pensé que mon anglais était trop limité.
A ma gauche, une mère, accusant 3-4 mots de français (qui ne m’a pas dit son nom ou bien le froid m’a ramollit les neurones et je ne m’en rappelle plus), et son fils, fan des NY Jets.
C’est là qu’on voit que le foot US est vraiment le sport familial et bon enfant par excellence aux Etats-Unis. Chacun en arrivant sert la main de son voisin et fait connaissance. Première fois que je vois ça dans un stade. Moi qui ne voulais pas ouvrir la bouche c’est raté… Mais c’est assez amusant de voir les différences entre mes deux voisins.
Ma voisine a l’air plutôt ouverte sur le monde, elle a passé un peu de temps à Paris lorsqu’elle était jeune et évidemment elle est restée amoureuse de cette ville (il doit n’y avoir que moi qui résiste à ses charmes j’ai l’impression…je parle de Paris là pour ceux qui n’auraient pas suivi !). Elle me vante les mérites de Boston, fait l’effort d’articuler, voir de reformuler pour que j’arrive à comprendre et ne m’en veut même pas de ne pas être pour les Jets de NY ! Ca la fait même rire que je la chambre gentiment après que les derniers espoirs de victoire de NY se soient envolés sur une interception. Son fils, lui par contre, ne rit pas vraiment et n’ouvre pas trop la bouche.
Quand je lui dis que je suis allé à Seattle, elle a honte de me dire qu’elle n’y ait jamais allé alors que c’est son propre pays et se lance dans une démonstration sur le fait que les USA peuvent être vraiment très différents d’un état à l’autre au niveau de l’accent, de la culture, etc…
Quand à Jay, lui, il est plutôt ouvert…hum, non en fait il aime plutôt ouvrir ses bouteilles de Bud Light ce qui ne l’empêche pas de l’ouvrir assez souvent pour me parler, voire me demander de lui parler ! Et chaque intervention se conclut par un
- « Nice to meet you Arnou » Je prononce bien ? Arnow?
- Yes, yes, it’s perfect
Et hop tape m’en 5…lui par contre, j’ai beaucoup plus de mal à le comprendre, l’accent et l’alcool dans le sang n’aide pas. Mais attention, il a encore tous ses esprits, enfin excepté après le premier touchdown (l’équivalent d’un essai au rugby pour ceux qui ne connaissent pas le foot US) où dans un élan de bonheur, il a envoyé quelques gouttes de sa bière sur le sweat de son voisin de devant. Mais celui-ci ne lui en a pas voulu, trop content de voir les Patriots marquer.

Après 5mins, il m’a quand même demandé si je comprenais ce qui se passait sur le terrain, mon ego en a pris un peu un coup..
« Oui, oui, Jay, je comprends, j’ai déjà vu des matchs à la télé ». Plus tard, il me pose une question existentielle :
- Comment vous appelez ça en France ?
- American football
- Mais le soccer c’est football dans tous les pays du monde à part ici
- En gros c’est ça oui
Je ne retranscrirai pas la suite parce que ça a été un mélange entre Soccer, Football, etc…il était étonné que je vienne ici pour voir un match de football, en rigolant je lui ai dit qu’un jour il irait en France pour voir un match de soccer, il m’a alors dit, non de football, et là c’était fini, on ne savait plus de quel sport on parlait, ça s’est donc fini en poignée de main et par un « nice to meet you Arnow , me too Jay… »
Mais le plus marrant est quand il m’a demandé ce que je faisais dans la vie :
- Je travaille dans la finance
- ygfzp foey zaijg eoz goe
- Could you repeat please ? je m’excuse mon anglais est vraiment mauvais
(là il me montre sa tête) et je comprends qu’il me dit un truc du genre « doit y en avoir là dedans »
(moi modeste évidemment…)
- un tout petit peu
Et là il se lance dans un discours que je n’aurais jamais cru entendre de la part d’un américain !
- les américains sont des idiots, on n’apprend pas les langues étrangères, on est incapables de discuter avec des personnes qui viennent nous voir, on ne fait pas d’efforts, etc etc
Je l’ai quand même rassuré en lui disant que des idiots, j’en connaissais aussi en France…et que l’avantage qu’ils avaient, les américains, c’est qu’avec l’anglais, ils peuvent aller n’importe où dans le monde.
Et puis il y a eu une belle action, il a bu une gorgée de bière, moi j’ai remis ma capuche pour me protéger du froid et la conversation s’est arrêtée là, mais je ne m’attendais pas un jour à entendre de la bouche d’un américain « tous les américains sont des idiots ».
Plus tard, il me demande si je suis venu tout seul, etc, il me parle de friend, de la « girl » qui est à coté de moi, en fait il voulait faire connaissance, bon là où je n’ai pas percuté c’est qu’il avait associé girl et friend, il a donc dit bonjour à ma girl friend ! Ma voisine comprenant la méprise linguistique a corrigé en « my new friend », ouf…comme quoi, les malentendus avec les langues étrangères sont vite arrivés !
Du coup Jay et Ed étaient super impressionnés que je sois venu tout seul et par moi-même à Boston. Enfin après 10 bières, je crois que n’importe quoi aurait pu les impressionner de toute façon !
Au 3ème étage sans toit, on peut dire qu’il fait un froid de canard, et quand on a pas l’alcool de la bière dans le sang pour se réchauffer, on peut dire qu’on se les caille…heureusement, ils servent un hot chocolate vraiment hot qui permet de bien se réchauffer. Bon par contre pour commander, avec le bruit, mes lèvres à moitié gelées pour articuler avec beaucoup de difficultés et sans accent, j’ai eu du mal d’autant que je voulais un hot dog en plus, ça a donné ça…
- i want a hot dog please
- a what?
- a hot dog (en essayant d’y mettre un peu d’accent mais il ne voulait pas venir…)
- a hot chocolate ?
- (bon elle n’a pas compris ce que je voulais mais ça tombe bien j’en veux un aussi) yes hot chocolate and a hot dog ?
- .a hot dog ? but you want also the hot chocolate ?
- yes yes, i want both! (ouf m’en suis sorti…)
Après 3 heures, le match se finit enfin sur la victoire des Patriots. Le fils de ma voisine est dépité ce qui m’arrange bien puisque du coup elle me propose en souvenir le gobelet aux couleurs des Patriots qu’elle avait eu en achetant son chocolat chaud puisque son fils refuse d’emporter un objet aux couleurs de l’équipe qui vient de battre la sienne…
Conclusion, je me suis plus concentré pour essayer de comprendre mes voisins que sur le match mais c’est vraiment de loin l’expérience la plus sympathique que j’ai faite en assistant à un match d’un sport américain, et les américains sont vraiment accueillants, du moins à Boston ! Et le mieux dans tout ça, c’est que j’ai survécu au froid !
Moralité, si vous passez par une ville américaine un week-end de match, même si vous n’êtes pas fan de ce sport, n’hésitez pas à y aller, vous ne le regretterez pas et vous vivrez une vraie expérience américaine !