Toutes proportions gardées et respect dû aux victimes et à leurs familles, j’ai l’impression d’être mort moi aussi en ce vendredi 13 novembre 2015 notre 9/11 français.
Je crois profondément dans la nature humaine et comme on considère un accusé innocent jusqu’à preuve du contraire, je considère chaque être humain comme bon avant qu’il n’ait prouvé qu’il pouvait être le pire des monstres.
Et en matière de monstruosité, on a atteint des sommets la semaine dernière. Vous allez me dire que ces terroristes n’ont d’humain que le nom mais la plupart sont passés sur les mêmes bancs d’école que nous, ont grandi en regardant les mêmes séries et dessins animés que nous, ont supporté les mêmes équipes de foot. Et pourtant 20 ou 30 ans plus tard ils sont capables de mettre fin à la vie de leur prochain sans aucun sentiments, ni regrets, ni remords, et même pire, avec un certain plaisir.
Comment avons-nous pu produire de tels monstres ? Parce qu’il ne faut pas chercher à rejeter la faute sur les autres, nous avons tous notre part de responsabilité, à stigmatiser son voisin parce qu’il n’a pas la même religion que nous, à le jalouser, à refuser de tendre la main à son prochain parce qu’on ne veut surtout pas prendre le risque de perdre ses petits privilèges et mettre en danger son petit confort personnel, à voter pour les extrêmes alors qu’on a tous appris en cours d’histoire jusqu’où cela pouvait mener.
L’histoire est un éternel recommencement et on a beau être prévenu on répète les mêmes erreurs parce que l’être humain est par nature égoïste et qu’il pensera toujours à lui avant le bien-être commun et que certains sont assez intelligents pour en profiter. Si au moins 4 personnes lisent cet article (et égoïstement je l’espère), statistiquement il y en aura au moins une qui votera extrême droite aux prochaines élections, et pourtant elle aura surement elle aussi pleuré en voyant les images des attentats ou en lisant les témoignages des survivants. Elle aura surement posté tout un tas de témoignages contre la haine sur les réseaux sociaux et elle aura peut-être même succombé à la mode du changement de photo de profil. Et malgré tout ça elle déposera son bulletin dans l’urne pour un parti qui attise la haine entre les communautés, terreau sur lequel se nourrissent les terroristes commanditaires du carnage du vendredi 13.
Les réseaux sociaux sont un moyen extraordinaire de mobiliser les gens mais j’ai l’impression qu’ils sont aussi là pour soulager les consciences plus que pour les réveiller. J’ai mis le filtre bleu blanc rouge sur ma photo de profil Facebook alors je suis comme tout le monde et tout va bien, on ne peut pas me reprocher de ne pas être solidaire. Par contre je serai le premier ou la première à supprimer un ami de mon réseau parce qu’il ne pense pas comme moi. Ce sont les mêmes personnes qui défendaient la liberté de penser après les attentats de Charlie Hebdo qui ne comprenait pas ceux qui ne pensaient pas comme eux. Vive la liberté de penser à condition que tu penses comme moi…
Et le pire c’est qu’à l’échelle des pays cela se passe de la même façon. Nous, pays occidentaux nous sentons investis d’une mission divine d’aller répandre notre démocratie et notre mode de vie aux 4 vents parce que nous sommes persuadés que c’est ce qu’il faut pour toute la planète. Mais et si ce n’était pas le cas ? Nous avons le beau rôle de donner des leçons de conduite à tous les pays dit sous-développés mais nous aussi avant de nous développer et de découvrir la démocratie, nous avons commis des actes barbares dont nous avons parfois bien du mal à reconnaître notre responsabilité encore aujourd’hui. Comment voulez-vous que dans les pays où ils ont été commis, il n’y ait pas de ressentiment comme nous en avons-nous aussi aujourd’hui envers ceux qui nous ont attaqués ?
Nous sommes tellement installés dans notre confort qu’il faut malheureusement ce genre d’évènement pour nous rappeler que nous avons la chance de vivre dans un pays où chacun peut penser ce qu’il veut, aller écouter un concert si il en a envie, profiter de la vie à la terrasse d’un café mais aussi que nous vivons en communauté et que les autres peuvent parfois avoir besoin de notre aide. Pourquoi attendre un drame pour oser ouvrir sa porte à un inconnu qui est dans le besoin
Les malheureux qui sont morts vendredi dernier, ça aurait pu être moi, vous, mes amis, ma famille, n’importe qui. Tout le monde a au moins une fois assisté à un concert dans sa vie, bu un verre en terrasse ou fêter son anniversaire au restaurant. Depuis ce funeste jour, je ne peux m’empêcher en croisant des familles, des couples, des groupes d’amis, de me dire que ça aurait pu être eux, mais que nous avons juste la chance de ne pas avoir été au mauvais endroit au mauvais moment.
Et puis il y a eu cette prise d’otages au Mali, encore des morts. La presse se rassure et nous rassure en nous confirmant qu’il n’y a pas de victimes françaises comme si la vie avait plus ou moins d’importance selon la nationalité. Pas de photo de profil aux couleurs du Mali. Pas non plus de « je suis Mali » ou en tout cas pas à la même échelle que le « je suis Charlie » ou « je suis Paris » et même pas du « je suis Diesel », la pauvre chienne morte durant l’assaut à St Denis. Et moi en écrivant ces lignes mon statut serait plutôt « je suis mal », le jour où on s’émouvra autant d’un mort au Mali, en Syrie ou en France alors peut être le reste du monde arrêtera de voir l’occident comme le grand méchant loup. Pour que plus jamais une salle de concert ne se transforme en fosse mortuaire, il faut évidemment se débarrasser de Daech et autres multinationales djihadistes mais il faut aussi très sérieusement remettre en question nos consciences d’occidentaux. C’est tout de même dommage qu’en quelques années, la France soit passé du statut de fer de lance du pacifisme après un discours mémorable à l’ONU contre le recours systématique à la guerre à un comportement belliqueux s’affranchissant même parfois de l’autorisation des nations unies pour aller lâcher ses bombes. La guerre entraine la guerre. Il faut parfois mieux s’attaquer à la cause du problème que le problème lui-même d’autant plus si nous sommes en partie responsable du problème en question en cherchant à imposer notre modèle à d’autres pays.
L’homme est un loup pour l’homme mais non content de scier la branche sur laquelle il est assis, la terre, il y ajoute le feu de la guerre pour achever le travail encore plus vite. Qui de la nature ou de la nature humaine aura raison de l’humanité ? Depuis ce triste vendredi soir la cote de la première a sacrément augmentée…